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Boire un petit coup c'est agréable !

Boire un petit coup c'est agréable !
 
MAR SAN C0217 2
  
Corne à boire 
Verre et cuivre doré.
H. 29 cm.
Namur, Musée es Arts décoratifs - Hôtel de Groesbeeck-de Croix.
Coll. Fondation Société archéologique de Namur, inv. n° C0217.

 

Cette corne à boire en verre vert, acquise par la Société archéologique de Namur en 1862, remonte à la seconde moitié du 16e siècle et a appartenu au Chanoine de Condé, chanoine de Saint-Aubain.

Une pièce exceptionnelle

Il présente la forme d'un entonnoir réalisé dans un verre de couleur vert émeraude particulièrement profond et intense. A cette époque, bien que les verriers produisent toujours des verres de couleurs - majoritairement rouge ou bleu -, le produit de luxe est incarné par le cristallo, inventé un siècle auparavant et que les ateliers “façon de Venise” tentent d'imiter. De par sa couleur, cette corne se distingue donc des pratiques de l'époque et marque son originalité.

En plus de sa teinte, cette pièce présente la particularité d'être décorée de nombreuses bulles ovales, réparties de manière régulière -horizontalement et verticalement - dans la matière. A l'extrémité de la coupe, le verre est travaillé en forme de nœud creux côtelé aplati à 16 nervures saillantes, encadré par deux petits tores. Le cornet est monté à la manière d'une cloche de table : il est sommé d'une structure décorative en cuivre doré. Sur une bague ornée d'une frise à motifs de quadrilobes encadrant une pastille circulaire à croisillons alternant avec de fines baguettes décoratives est placé un grelot. Des motifs végétaux en palmettes et petites feuilles ornent la base de l'anneau ainsi que sa partie sommitale. Quatre tiges métalliques recourbées protègent le grelot. Au sommet de celles-ci, une statuette dite d'empereur termine la composition. Le personnage est vêtu du costume noble traditionnel du 16e siècle. Il porte un pourpoint, des hauts-de-chausses à mi-cuisses ornées de bandes verticales, une cape et une toque basse prenant l'aspect d'un bonnet à petit bord. Il tient un sceptre et une coupe couverte.

Des artisans inspirés

A la fin du 15e siècle, les premières influences des verreries vénitiennes arrivent en Allemagne, dans les Pays-Bas et en Principauté de Liège. Elles se caractérisent par une évolution des teintes et des typologies mais également par l'introduction de nouveautés techniques. L'Allemagne et la Principauté de Liège joueront un rôle de premier plan dans l'histoire du verre aux 16e et 17e siècles. Des verreries s'installent notamment à Liège, à Huy et Châtelet pour nos régions. Cette période constitue l'âge d'or de la verrerie à la façon de Venise. Le succès de cette expansion est dû, d'une part, aux déplacements de verriers transalpins et, d'autre part, à l'attrait rencontré auprès de la riche clientèle européenne des procédés et styles à l'honneur dans la cité adriatique.

Cette corne à boire est probablement issue de l'un de ces ateliers mais sans possibilité, à l'heure actuelle, de pouvoir tenter une attribution plus précise. Elle présente une qualité technique exceptionnelle : il s'agit d'un verre bullé. Ce modèle est créé en soufflant la paraison dans un moule à pointes. Ce premier cueillage laisse des zones déprimées où persistent des bulles d'air après le deuxième cueillage. Les bulles d'air emprisonnées conservent une forme sphérique naturelle grâce à la compensation de la tension dans le verre encore souple. Cette technique a vécu son âge d'or aux 16e et 17e siècles avant d'être oubliée pendant près de 200 ans.

Comme si elle datait d'hier

Enfin, l'exceptionnelle qualité de conservation de cette pièce extrêmement fragile achève de la démarquer : aucun dégât n'est à constater et l'objet a conservé son intégrité. De plus, la rareté de ce type de verre vert émeraude est à souligner. En effet, d'un point de vue technique, seuls quelques exemplaires d'une grande sobriété sont connus dont trois gobelets et une tasse conservés au Museo Civico de Bologne et une tasse dans une collection privée allemande. Seul le Musée historique d'Amsterdam conserve un exemplaire similaire à celui de Namur. D’un point de vue typologique cependant, sans présenter les mêmes caractères techniques, ce modèle de corne à boire est documenté dans plusieurs musées. Un caractérisé par les armes de Sarah Vinclcx est conservé au Musée Curtius et un autre, sommé d'un dragon et décoré de filigranes en reticelli, est exposé au Corning Museum.

La corne à boire de table était fréquente sur les territoires des productions « façon de Venise » : nous notons leur présence en France, Anvers, Bologne, Amsterdam. Bien que nous ne connaissions guère l'origine géographique exacte de cette pièce, la corne de Namur se distingue de ces productions par sa technique de façonnage, sa teinte et son ornementation. De plus, elle témoigne de la dextérité du verrier et des relations entre les différents artisans – le verrier pour la coupe et l’orfèvre pour le grelot. Au vu de ses caractéristiques et de sa singularité, elle est probablement le résultat d'une commande d'un haut dignitaire ou dirigeant.

   

Bibliographie

R. Chambon, Influence vénitienne sur la production verrière de la Belgique à /afin du 15e et au 16e siècle, dans Cahiers de la Céramique, du Verre et des Arts du Feu, Sèvres, 1960.
J. Philippe, La verrerie du 16e au début du 19e siècle, pp. 279-287. Consultable en ligne : http://connaitrelawallonie.wallonie.be/sites/wallonie/files/livres/fichiers/wph_culture_tii_p279-288.pdf
H. Vreeken et al., Glas in het Amsterdams Historisch Museum en Museum Willet-Holthuysen, Amsterdam, 1998, S. 110, Nr. 52.
D. Schaich, Reine Formsache. Deutsches Formglas 15. bis 19. Jahrhundert: Sammlung Birgit + Dieter Schaich, München, 2007, pp. 26-27.

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